Hervé MONTJOTIN, président de SOCOTEC : "Effondrements d’immeubles : pour un cadre légal imposant un contrôle technique régulier des logements"
Lille, Lyon, et avant Marseille ou encore Bordeaux : l’histoire se répète, les images d’immeubles d’habitation effondrés et de leurs trop nombreuses victimes restent gravées dans les esprits. Autant de scènes insupportables et inconcevables à l’heure où les matériaux de construction, les connaissances et les moyens techniques des acteurs du bâtiment n’ont jamais été aussi avancés.
Certes, ces drames peuvent s’expliquer en partie par un sous-investissement chronique des propriétaires - souvent des bailleurs non professionnels - d’un patrimoine particulièrement ancien. Parmi les 1,5 millions de bâtiments collectifs d’habitation que l’on compte en France, 20% ont plus d’un siècle et la moitié a été construite avant les années 70 ! Face à cette vétusté, il n’existe pourtant aujourd’hui aucun cadre réglementaire en matière de contrôle. Aujourd’hui, rien n’oblige un propriétaire à vérifier l’état général de son immeuble. Ce vide juridique n’est d’ailleurs pas une exception française et quand il est comblé, c’est toujours à la suite de drames. Aux États-Unis, la Ville de New York a adopté un premier règlement sur l’inspection des façades en 1980, à la suite du décès d’un étudiant provoqué par la chute d’un morceau de pierre. Au Québec, il a fallu attendre 2013 et une série d’accidents mortels à Montréal pour que les normes se renforcent. Ainsi, les propriétaires d’immeubles d’au moins cinq étages et construits depuis plus de 10 ans sont dans l’obligation de faire inspecter la façade et le parking intérieur, de façon approfondie, tous les cinq ans par un ingénieur. Au Royaume-Uni, les changements législatifs promis sont en cours de déploiement avec le « Building Safety Act » qui est entré en vigueur cinq ans après l’incendie de la Tour Grenfell à Londres. Avec 79 morts, c’est la pire catastrophe touchant un immeuble d'habitation depuis la Seconde Guerre mondiale outre-Manche. Enfin l’Italie a su imposer un cadre exigeant sur l’inspection des ouvrages d’art après l’effondrement du pont Morandi à Gênes, il y a trois ans. Des solutions existent donc !
Selon une étude BVA de 2015, nous passons en moyenne 9h15 à notre domicile pendant la semaine. C’est probablement plus aujourd’hui avec le télétravail. Il faut donc sans attendre imposer un cadre légal ou réglementaire pour vérifier l’état des immeubles de logements en France. C’est une mesure très simple et vitale, elle peut consister en la mise en place d’un diagnostic structurel des bâtiments collectifs à usage principal d’habitation construits il y a plus de cinquante ans. Ce contrôle pourrait être renouvelé tous les cinq ans et étendu à des immeubles moins anciens car les bouleversements climatiques constituent un facteur supplémentaire de risques : assèchement des sols, fortes chaleurs, grands froids et pluies diluviennes fragilisent les constructions. Et pour accompagner les bailleurs, propriétaires et collectivités locales dans une meilleure gestion et surveillance du bâti, qui de mieux placés que les organismes de contrôles techniques ? Tiers de confiance, ils inspectent et certifient déjà 95% des immeubles en cours de construction et de réhabilitation, soit plus de 30 000 opérations par an en France. Ils sont prêts à agir et légitimes pour le faire, car titulaires d’agréments ministériels qui font d’eux les garants de l’intégrité des constructions et des infrastructures. Pourquoi légiférer ou passer par la voix réglementaire ? Autant pour bien différencier ce nouveau contrôle de structure des multiples interventions sur un immeuble (ascensoristes, diagnostiqueurs, bailleurs, etc.) que pour lever le frein que peuvent constituer les assemblées générales de copropriété. Le contrôle technique automobile existe depuis trente ans, il s’est régulièrement renforcé pour la sécurité des conducteurs et des passagers. Il est plus que jamais temps d’instaurer un cadre légal similaire pour le logement afin de protéger l’ensemble des Français.
Hervé Montjotin
Président de SOCOTEC
Ingénieur expert construction
2 ansC'est effectivement un sujet d'actualité plus que "brulant". Ajoutons les phénomènes qui touchent les immeubles d'après guerre avec de nombreux balcons. Le législateur a pourtant commencé le travail, en effet, tous les immeubles de plus de 15 ans vont d'ici à 2025 avoir l'obligation le mettre en place le fameux PPT (plan pluriannuel de travaux défini par la loi climat et résilience), mais il faut aller plus loin et instituer dans ce cadre un véritable contrôle technique des bâtiments renouvelé tous les dix ans. Certes il est compréhensible que l'aspect thermique prime compte tenu de l'urgence climatique, mais il serait si simple détendre ce contrôle à un bilan structurel approfondi et clairement défini. C'est toute la difficulté du PPT, réalisé le plus souvent par nos confrères ingénieurs thermicien, le volet structurel se trouve de facto survolé ce qui posera à terme la question de la responsabilité. Militons pour une définition claire et une action multi compétences sur ces sujets. l'analyse de Mr MONTJOTIN est la bonne, réglementez utile Messieurs les législateurs et au passage demandez conseil aux spécialistes.
Directeur technique et commercial de CalCool Studios
2 ansEn tant qu'investisseur immobilier je suis le premier concerné par les conséquences de la découverte d'un défaut majeur de structure dans un immeuble. Mais je sais aussi que sans radar magique, sans démolition, il n'est pas possible d'examiner réellement l'état d'un bâti qui ne montre pas de mouvement (fissures, toiture déformée, etc.). Un contrôle périodique serait une farce coûteuse, un peu comme le DPE du bâti ancien. Dans la vie d'un bâtiment, il vient un temps où sa structure est mise à nu. C'est le bon moment pour l'observer de près. Au lieu d'agiter encore et toujours des peurs de manière opportuniste, regardons les données: combien de logements s'écroulent sur leurs occupants chaque année sans cause extérieure ?
animateur réseau chez Acteurs Civils et Professionnels
2 ansAvant que chacun des acteurs de la construction ne tire la couverture à soi - devrions nous dire l’ossature ? - il serait opportun de rappeler les limites des compétences réglementaires de chacun. Qui est en effet autorisé à pratiquer l’expertise? Car il s’agit, dans l’immobilier ancien, notamment le secteur de l’habitation, de comprendre, repérer, diagnostiquer les ouvrages en place et comprendre l’historicité de leurs transformations au gré des aménagements successifs, voire des manquements aux règles de l’art. Rappelons en préambule deux évidences: 1️⃣ le code concerné est le #CCH, code de la construction et de l’habitation. Ce qui n’est pas innocent en l’occurrence. 2️⃣ certaines professions réglementées comme les contrôleurs techniques et les diagnostiqueurs sont cantonnées des missions comprenant des interdits. Des lors on comprend mieux pourquoi les propriétaires d’immeubles d’habitation étaient considérés comme des « bons pères de famille » car précautionneux par nature de la maintenance de leurs biens. Ils échappaient donc aux obligations de contrôle technique imposées aux autres immeubles, autres qu’habitations, tels les ERP, les EIC et autres immeubles d’activités professionnels. Il faudrait donc un tour de table.
Coodonnateur CSPS/ Manager HSE /Spv / référent COVID 19 chez SOCOTEC CONSTRUCTION/ permis bateau côtier/ formation télépilote de drone amateurs, 21 De SPV
2 ansUne très bonne idée
Diagnostic immobilier périodique, contrôle technique régulier, au-delà de la sémantique, pour la sécurité et la santé des personnes comme pour le maintien du pouvoir d'achat des ménages qui luttent contre l'inflation énergétique, il est indispensable en effet que le parc immobilier dans son ensemble bénéficie d'une veille sur son état de santé. Pas seulement au moment des transactions ventes / locations. La prévention est toujours plus efficace et moins coûteuse que le curatif.